Témoignage d’autoconstructeurs : yourtes et rénovation écologique d’une maison en pierre
Quand nous avons décidé de construire notre maison, ce qui nous a le plus aidé à faire nos choix (taille de la maison, agencement, mode de construction, etc…) ça a été de rencontrer d’autres autoconstructeurs. Pour voir ce qu’ils avaient fait, ce que ça donnait et avoir leurs avis et leur conseils.
Du coup, nous avons décidé de vous apporter sur ce blog des interviews d’auto-constructeurs et de leur projet, qu’il soit fini ou en cours, pour vous aider au mieux.
Corentin et Elise, tout un projet de vie
Et nous commençons tout de suite avec le projet de Corentin et Elise !
Résumé |
Projet global : habiter donner des cours/stages de yoga et accueil d’autres activités accueil de public sous forme de « tourisme atypique » Date de début : mi 2017 Date de fin présumée : fin 2019 à mi 2020 Terrain : environ 2ha – non constructibles. 3 maisons dessus dont 2 ruines et 1 habitable Technique principale utilisée : enduit terre-paille Budget terrain : 60 000 € Budget estimé maison : 100 000 à 120 000 € |
Projet de départ / envie :
Ils ont un projet de vie complet. Ils veulent créer un lieu où :
- ils habiteront
- ils accueilleront des gens en « camping » atypique
- ils pourront donner des stages de yoga, voir accueillir d’autres stages/activités de nature similaire
Au tout départ leur projet était de vivre en yourte. Du coup, quand ils trouvent un terrain qui leur convient en centre Bretagne, ils vont se renseigner à la mairie, pour savoir si c’est possible. Et si le reste de leur projet le sera aussi. Ayant eu une réponse positive, ils achètent le terrain.
Le terrain
Ils recherchaient :
- un grand terrain,
- en campagne,
- proche d’une forêt,
- pas trop loin d’une grande ville (là, ils sont à 1h de Rennes environ)
- viabilisé (parce qu’ils ne voulaient pas faire les démarches pour installer les réseaux)
Ils ont acheté un premier terrain en avril 2017. Dessus se trouvait une maison en pierre à rénover (une ruine quoi) et un hangar. Début janvier 2019 ils ont acheté le terrain mitoyen, qui se compose d’une maison, considérée comme habitable, et d’une autre ruine, en terre celle-là.
Ils se retrouvent donc maintenant avec 1 terrain global d’environ 2ha, avec un petit bois en bordure, et une rivière qui passe en contre-bas. Avec 3 maisons : 2 à rénover et 1 habitable (avec quelques travaux de rafraîchissements). L’ensemble est en zone non constructible.
Ils ont pour projet de laisser la forêt repousser/reprendre ses droits sur une partie du terrain. Et sur une autre (de l’autre coté du ruisseau) ils ont plantés des bambous.
Administratif
Bien sûr, l’histoire d’une maison commence toujours par de l’administratif !
Et eux, ils ont eu plusieurs « aventures administratives » :
Note : ils se sont adressés au service urbanisme de la communauté de commune, c’est eux qui gèrent le côté légal des projets en campagne. La mairie s’appuie complètement sur eux pour donner l’autorisation ou pas. |
Installation de la yourte
Ils ont eu quelques soucis concernant ce qui pouvait être considéré comme un « habitat précaire » et donc illégal. Finalement, après discussion avec le maire, il s’est avéré qu’il y a quelques distinctions juridiques qui ont fait que leur yourte a été acceptée :
- une yourte, c’est finalement un habitat léger, comme une tente et donc c’est considéré comme faire du camping sur son terrain, et c’est autorisé
- par contre, si elle est raccordée à l’eau et à l’électricité, elle devient une habitation et là, ce n’est plus tolérée (sans permis, etc…)
Projet d’accueil
La mairie a commencé par leur dit que c’était possible, du coup ils ont montés tout un projet avec un architecte (en particulier concernant les normes pour de l’accueil au public). Sauf que finalement, la mairie leur a dit que leur terrain étant en zone « agricole » (et donc non constructible) ils n’avaient pas le droit d’installer quoi que ce soit. Ils leur ont proposé d’attendre 2 ans que le PLU soit revoté et que leur terrain soit alors passé en zone « touristique ». Sauf que 2 ans, c’était trop long pour eux.
En discutant, ils ont fini par découvrir que, en fait, en dessous de 16 personnes accueillies, c’était considéré comme du Airbnb/gite/etc… et qu’ils n’avaient pas besoin de dossier spécial. Or, ils n’avaient jamais prévu d’accueillir plus de 10 personnes ! Du coup, ils sont partis dans leur projet.
Leçon à retirer : Décrivez précisément votre projet à la mairie, ça vous économisera du temps et des démarches ! |
Vivre en yourte
Initialement, ils voulaient vivre en yourte et démolir la maison et le hangar déjà présent sur le terrain. Or, le permis de démolition été accepté pour le hangar mais pas pour la maison, qui est classée.
De plus, cela fait environ 3 ans qu’ils vivent en yourte et c’est devenu dur depuis qu’ils ont un bébé (né mi-2018). Parce que ils sont un peu à l’étroit, il faut faire plus attention au chauffage (et donc se relever la nuit) et surtout ils ont des rats ! Du coup, ils ne peuvent rien laisser traîner (savon, nourriture, jouets du bébé, etc…) sans parler des craintes pour le bébé.
Ces 2 points ont fait qu’ils ont finalement décidés de s’installer dans la maison en pierre. Et donc de la rénover, vu qu’elle n’est pas du tout habitable en l’état. En plus, elle est grande, ils vont donc pouvoir y créer une grande salle pour les cours et stages de yoga de Corentin.
Points positifs : ils ont toujours prévenus de la mairie de ce qu’ils comptaient faire, pour le faire dans la légalité et trouver des solutions avec eux ! |
Préparation technique avant l’autoconstruction
Ce ne sont pas des professionnels du bâtiments. Corentin est électricien mais à part ça, ils n’y connaissent rien.
Ils se sont beaucoup renseignés sur internet.
Ils ont aussi fait une mini-formation de 2 jours sur les enduits terre-paille avec l’association Tiez breiz (sur Rennes). Cette association est spécialisée dans la rénovation et le bâtiment ancien, avec la volonté de respecter le matériau et de tirer parti de ses qualités.
Par contre, comme leur projet a changé (rénovation au lieu de yourte) ils n’ont finalement pas eu beaucoup de temps pour réfléchir, se préparer, etc…
Le chantier
Rentrons maintenant dans le vif du sujet ! (Même si finalement, les démarches administratives et la préparation en font parties intégrantes!)
La salle d’eau
Pour commencer, ils ont décidé de faire les toilettes ! Pour cela, ils ont utilisés un ancien poulailler. Ils y ont installer des toilettes sèches et une douche, avec un chauffe-eau instantané à gaz.
Yourte
Ensuite ils ont installé une yourte sur le terrain.
C’est une yourte qu’ils ont été chercher dans le sud et qu’ils ont remonté en Bretagne avec une camionnette. Ils l’ont montée en 1 journée.
En plus, ils ont acheté un plancher pour le sol et des parpaings, pour mettre la yourte de niveau. (Vu que ce n’est pas une habitation, il n’y a pas de fondations.)
En gros, en 1-2 semaines la yourte était utilisable.
L’ossature est en bambou, croisée pour les murs, et des perches forment le toit. Il y a ensuite une toile intérieure, une couche d’isolant en feutre puis la bâche finale.
Ils chauffent dedans à l’aide d’un poêle à bois. Ils ne sont donc pas relié à l’eau (elle est à l’extérieur) mais ils ont une prise électrique qui arrive dans la yourte.
C’est là qu’ils habitent encore, le temps que la maison soit terminée.
Mais comme là, avec le bébé (+les rats + l’eau pas facilement accessible) ça devient compliqué, ils ont décidé de rapidement emménager dans la petite maison habitable du terrain qu’ils viennent d’acheter. Il y a juste quelques petits travaux à faire avant mais ils espèrent y être pour l’été.
La rénovation de la maison en pierre
Au final, ils habiteront dans la maison en pierre, choix expliqué plus haut.
Ils ont donc commencé les travaux de rénovation mi 2017.
- Le toit
Ils ont commencé ce gros chantier par refaire la toiture.
Il a fallu d’abord enlever les ancienne « tuiles » puis gérer le désamiantage. Heureusement, ils ont fini par trouver une solution très peu coûteuse pour s’en débarrasser (déchetterie). La charpente était bonne, donc ils n’ont plus eu qu’à refaire la couverture. Pour ça ils ont été aidés par un ami couvreur, qu’ils ont assisté.
- Casser la dalle béton intérieure
Il y a une veine d’eau sous la maison. Et comme il n’y a pas de fondations (la maison est posée directement sur le sol), et qu’il n’y a pas de rupture de capillarité à la base des murs, l’humidité du sol remonte dans les murs, maçonnées pierre-terre. Et la dalle béton, moderne, coulée à l’intérieur augmentait de problème car elle est imperméable.
Du coup, ils ont décidé de casser la dalle et de décaisser jusqu’au niveau du pied du mur (de la roche quoi). Ils ont acheté un marteau-piqueur pour faire ça.
Et ils ont aussi casser un mur à l’intérieur de la maison. Pour agrandir la pièce.
Pour cela, ils se sont fait aider par un maçon du coin.
- Drain autour de la maison
Dans la foulée, ils ont creusé une tranchée autour de la maison pour poser un drain, pour éviter que trop d’eau venant de l’extérieur ne stagne au pied du mur et augmente les problèmes d’humidité.
- Enduits
Aux pieds des murs ils ont mis un enduit chaux-sable. Parce que la base des murs est humide et que la chaux tient mieux à l’humidité. (Pour en savoir plus, aller voir les fiches tiez breiz).
Ensuite, ils ont recouvert l’ensemble des murs intérieurs avec une couche de corps terre-paille. Parce que les murs sont faits en pierre, maçonnés en terre, ils ont choisi de rester dans ce matériau.
La terre provient du jardin. Ils ont creusé, tamisé et remonté le tout à la brouette.
La paille a été trouvé chez un agriculteur du coin, qui leur a livré un round baller. Elle sert d’armature dans l’enduit, pour éviter les fissures.
Ils ont mis une épaisseur de 3 à 6 cm d’épaisseur sur les murs.
Sur cette étape, ils ont eu de l’aide qu’ils ont trouvé en s’inscrivant en tant qu’hôtes de woofing. Une allemande qui est restée 2 semaines, et un couple qui est resté 3 semaines.
- Plancher étage
En parallèle des enduits, Corentin a réalisé le plancher d’étage en gardant les poutres (solives) déjà existantes.
Pour faire simple : les solives courbent vers le bas au milieu de leur longueur et le but était que le plancher soit plan. Donc il a dû rattraper les niveaux en mettant des cales porteuses de différentes hauteurs.
Il a commencé par mettre un osb fin (parce qu’il suit facilement la courbe des solives) posé sur les solives. Il a mis ses cales jusqu’au niveau fini, défini par le point le plus haut, et il a rempli les « trous » ainsi créés avec de la paille jusqu’au niveau fini (pour faire une petite isolation entre l’étage et le rez-de-chaussé). Et il a terminé le plancher par un OSB rigide (plus épais).
- Fenêtres
Un cousin menuisier dans le sud leur a eu des fenêtres pas chères, qu’ils sont allés chercher. Et ensuite, ils les ont posées tout seuls.
Voilà le niveau d’avancement actuel des travaux à la date d’aujourd’hui.
Une autre yourte
En plus de ça, ils ont construit eux-mêmes une autre yourte (plus petite) qui est actuellement habitée par la sœur d’Élise.
Ils ont utilisé de la bâche de bateau, qui est plus adapté au climat breton que la bâche qu’ils ont sur la yourte qu’ils ont acheté dans le sud. C’est Élise qui a cousu la bâche !
A retenir : si vous voulez acheter une yourte, achetez là dans la région où vous comptez vous installer, ou bien qui a un climat proche. Elle sera plus adaptée. |
Prochaines étapes
Ils veulent emménager dans la petite maison d’ici quelques mois, donc ils ont quelques petits travaux à y faire.
Ensuite ils veulent continuer la grande maison avec une priorité pour la salle de yoga, idéalement prête pour accueillir des cours en septembre 2019.
Ils prévoient :
- enduits de finition en terre à l’intérieur et à l’extérieur
- sol de la maison : hérisson de cailloux puis plancher et tomettes dans la cuisine.
- isolation de la toiture (pour l’instant ils pensent le faire en paille mais ils y réfléchissent encore)
- installation d’une phytoépuration
Leur vécu, conseils, …
Ce qu’ils nous ont partagé de leur vécu de ces premières étapes de chantier :
- c’est très important de faire attention aux outils qu’on utilise. Il faut choisir des outils de qualité !
- C’est important de se renseigner et de faire des stages avant de se lancer.
- Faire attention au « budget caché » = les vis, clous, … qui finalement ont un coût quand même
- Faire attention à prendre soin de soi tout au long du chantier, bien se reposer, pour éviter les blessures
- Faire venir des gens (chantiers participatifs) ça peut être compliqué d’avoir du monde à gérer mais c’est super utile pour les travaux genre: creuser, tamiser, poser la couche de corps par exemple. Pour les travaux qui ne demandent pas d’être précis et technique. Par contre ils ont trouvé très intéressant d’accueillir une à deux personnes sur deux à trois semaines pour les aider. Ça fait bien avancer le chantier et ça permet de belles rencontres. Faut bien gérer le nombre de personnes accueillies pour aider par rapport au chantier à réaliser.
« Un dernier conseil ? » :
« Lancez-vous ! »
Leurs sources
d’information :
www.systemed.fr : conseils en bricolage www.tiez-breiz.bzh : association spécialisée en techniques de rénovation dans le respect du bâti qui propose des fiches techniques et des stages www.ecosainhabitat.fr : magasin près de Rennes de matériaux écologiques qui donne aussi des conseils aux constructeurs www.wwoof.fr : le site pour le woofing. On peut s’y inscrire en tant qu’auto-constructeur pour accueillir des woofers sur son chantier www.ecovillageglobal.fr : site où l’on peut trouver et déposer des annonces de chantiers participatifs. |
Dites nous dans les commentaires ce qui vous plait dans ce projet et ce que vous en avez appris (de ce que vous voulez faire ou non 😉) !
Et dites nous aussi si ce format vous plait et si vous aimeriez que nous vous proposions d’autres interviews d’autoconstructeurs, ou non 😃. (Ou bien dans d’autres domaines ?)